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Maladie luxante de la hanche du nouveau-né

Écrit par ARM, orthopédiste pédiatre.

La dysplasie de hanche est une pathologie fréquente du nouveau né. Il s’agit d’une anomalie de développement de la hanche qui se manifeste par une mobilité anormale entre le bassin et le fémur. Elle a des présentations cliniques très variables, de l’instabilité discrète à la luxation vraie de l’articulation.

Bien dépistée et traitée elle n’a pas de conséquence à l’âge adulte. Le traitement est d’autant plus simple et efficace que le diagnostic est précoce.

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Après l’accouchement, la levée des contraintes obstétricales permet la plupart du temps spontanément un remodelage, une stabilisation et la guérison. Cependant, les luxations congénitales de hanche (LCH) non corrigées entraînent une boiterie dès le début de la marche, une douleur chronique et une atteinte dégénérative précoce.

Qui sont les enfants concernés?

En France, l’incidence de la LCH est estimée à 6 pour 1000 naissances, avec une forte prédominance féminine.

L’HASHaute Autorité de Santé, en partenariat avec les sociétés savantes d’Orthopédie pédiatrique recommande un dépistage clinique chez tous les enfants avant la sortie de la maternité. Cet examen clinique sera ensuite répété tous les mois jusqu’à l’acquisition de la marche. En cas d’anomalie de cet examen clinique, le Pédiatre ou le Médecin généraliste prescrira une échographie ou une radiographie.

L’échographie sera réalisée systématiquement à partir de 1 mois chez les enfants présentants des facteurs de risque. Les principaux facteurs de risque retenus sont :

  • la présentation par le siège
  • les antécédents familiaux au premier degré de pathologie luxante de la hanche
  • diverses anomalies orthopédiques d’origine posturale : malpositions des pieds, torticolis congénital

Il n’est pas préconisé de réaliser une échographie à tous les enfants. De même, il n’y pas d’indication à la réalisation d’une radiographie de bassin à 4 mois «à titre systématique».


A quoi cela correspond-il ?

Il s’agit d’une anomalie de développement de la hanche, ne correspondant pas à une malformation mais plutôt à un retard de formation.

L’articulation de la hanche est formée de 2 parties : la tête du fémur qui vient s’articuler dans une cavité du bassin appelée le cotyle. La tête du fémur a la forme d’une sphère et la cavité cotyloidienne a la forme d’une cupule qui normalement recouvre totalement la tête du fémur et lui donne une stabilité primaire importante sans nécessité d'autre système de stabilisation.

Dans la maladie luxante, la cavité cotyloidienne est moins creusée, et donc moins contenante. La tête fémorale peut alors avoir tendance à «sortir» de son emplacement.

A visée de simplification et en prenant une image, si l’on compare la cavité cotyloidienne à de la vaisselle, dans la hanche normale, le cotyle correspondrait à un bol et dans la pathologie luxante, il serait plutôt une assiette creuse,  voire une assiette plate. On comprend alors aisément la physiopathologie, avec la tête du fémur qui sort ou peut sortir, en partie ou en totalité, de la cavité cotyloidienne. On a alors la description complète de la pathologie luxante et de ses différentes formes de la plus grave à la moins grave : hanche luxée, hanche luxable, subluxation.

 

 

Pourquoi dépister la LCH?

L’intérêt est essentiellement pronosticce qui va arriver dans le futur.

A court terme, une hanche luxable, et donc réductible, à la naissance peut devenir une hanche luxée et irréductible avec la maturation progressive de l’enfant. A contrario, une hanche bien traitée initialement, avec un traitement adapté et une bonne complianceprécision avec laquelle un patient suit un plan de traitement convenu, donnera dans la majorité des cas de bons résultats, avec une guérison complète et rapide.

L’absence de traitement ou un traitement inadapté peuvent conduire à la luxation de hanche dont le traitement tardif est complexe, long et astreignant. L’enfant se présentera alors à la marche avec une boiterie et une impression d’inégalité de longueur des membres inférieurs.

A long terme, l’absence de cohésion des pièces anatomiques peut conduire à une usure prématurée et donc à une arthroseusure des cartilages de hanche précoce avec pour conséquences une douleur et une limitation de mobilité conduisant à une diminution d’autonomie et la nécessité de chirurgies invasives prothétiques.

Comment la dépister ?

Le dépistage est avant tout clinique.

  • Tous les nourrissons seront examinés par leur médecin traitant jusqu’à l’acquisition de la marche. Ce n’est qu’en cas de doute clinique ou de la présence des facteurs de risque ci-dessus que l’on aura recours aux explorations paracliniques.
  • Chez l’enfant de moins de 4 mois, on réalisera une échographie des hanches. Cet examen spécialisé doit être réalisé par un radiologue formé à la technique. Il recherchera des anomalies de mobilité de la hanche et permettra également une étude morphologique. L’examen ne doit pas être réalisé avant l’âge de 1 mois car il sera alors difficile à interpréter. De même, chez l’enfant prématuré, il faudra le réaliser aux environs de 1 mois d’âge corrigé.
  • Une radiographie du bassin de face pourra être réalisée à partir de 4 mois en cas de découverte d’une anomalie clinique. Des radiographies itératives seront en outre réalisées à partir de l’âge de 4 mois dans le cadre de la surveillance d’anomalies visualisées à l’échographie ou pour surveiller un traitement mis en place et décider de l’opportunité de sa poursuite.

 

Quels sont les traitements possibles ?

Les traitements sont d’autant plus simples et moins contraignants qu’ils sont débutés tôt dans la vie de l’enfant.

Langeage en abductionles cuisses écartées

A la naissance et dans les 2 premiers mois, en cas de hanche instable ou luxable réductible, le traitement le plus fréquemment proposé est le lange en abduction. La mise en place d’une «double couche» n’a aucun intérêt. Il faut utiliser des appareils spécifiques, prescrits par le médecin et qui s’achètent dans les pharmacies ou les magasins de matériel orthopédique. Les 2 appareils les plus utilisés sont le lange câlin® et le coussin d’abduction. Le principe de ces 2 dispositifs est le même : maintenir les membres inférieurs de l’enfant en «position de grenouille», c’est à dire en abduction maximale qui est la position de stabilisation de la hanche. Ils sont à porter jour et nuit sauf pour les bains et il faudra veiller lors de changes à ne pas rassembler les 2 jambes de l’enfant mais à soulever les fesses en plaçant une main au niveau de son dos.

 

                         

Harnais de Pavlik

Un autre traitement possible est le Harnais de Pavlik. Il s’agit d’un système visant à obtenir de manière progressive une abduction des hanches. Il est utilisé par certaines équipes de manière systématique pour le traitement des dysplasies de hanche à la naissance. Pour autant, la plupart des chirurgiens orthopédistes réservent ses indications aux cas de hanches luxées réductibles ou non avant l’âge de 6 mois. Il s’agit dans tous les cas d’un traitement spécialisé, réservé aux chirurgiens orthopédistes pédiatres. La surveillance est attentive tout au long du traitement, à la fois clinique et paraclinique (échographies et/ou radiographies).

 

 

 

Attelles de Petit

L’utilisation des attelles à hanches libres, dites «de Petit» est également  réservée aux spécialistes. Cet appareil est utilisé pour les hanches très dysplasiques chez le bébé plus âgé (> 6 mois) ou en relais d’un traitement orthopédique de luxation de hanche.

 

 

attelles petit 

Traitement tardif

Le traitement des hanches luxées de découverte tardive est là encore spécialisé. Il s’agit d’enfants chez lesquels le diagnostic de hanche luxée est fait après l’âge de 4 mois. A cet âge, le plus souvent, la rétraction des muscles rend la réduction par manoeuvres externes de la luxation impossible.

Il existe alors 2 possibilités thérapeutiques :           

            -  le traitement orthopédique par mise en traction progressive au cours d’une hospitalisation, suivi de la réalisation d’une immobilisation plâtrée pour une durée totale de 3 mois et un relais par attelles de Petit pour 3 mois supplémentaires.

            - le traitement chirurgical d’emblée, oùla hanche est réduite au cours d’une intervention chirurgicale avec dans les suites le même type d’immobilisation que pour le traitement orthopédique.

 

traction luxation     platre luxation

Combien de temps dure le traitement ?

 En cas de diagnostic précoce, le traitement dure de 1 à 2 mois en règle générale, parfois plus en fonction de la sévérité de l’atteinte.

La surveillance dure en moyenne 3 ans. Classiquement, il faut qu’à 3 ans la radiographie du bassin soit «normale» c’est à dire sans dysplasie résiduelle. La fréquence des consultations et des radiographies est fonction de la sévérité de l’atteinte. A partir de l’âge de 4 mois, l’échographie de hanche à visée morphologique n’est plus réalisable, la surveillance fait dont appel aux radiographies.

En cas de persistance d’une dysplasie, une intervention chirurgicale de correction osseuse peut se discuter.

Questions pratiques….

Puis-je utiliser un porte bébé si mon enfant porte une culotte d’abduction ?

Oui.

Pas de problème pour l’utilisation d’un porte bébé ventral ou d’une écharpe de portage.

Eviter toutefois le portage «en hamac».

Quel type de vêtements utiliser ?

Les vêtements doivent être souples et ne pas entraver l’abduction complète des hanches. Eviter les boutons pressions dans l’entre jambe, les matières raides.

Le lange peut être porté sous les vêtements également, penser alors à protéger le creux du genou avec un carré de coton.

Le traitement est-il douloureux ?

Non.

Quel que soit le traitement utilisé, il ne doit pas faire mal. L’enfant peut ressentir une certaine gène à la mise en route du traitement, peut avoir du mal à trouver son sommeil…Ceci ne doit par perdurer au delà de quelques heures. Si tel était le cas, il faudrait consulter votre médecin rapidement afin d’adapter le traitement.

Mon bébé peut-il être installé dans une poussette ou un siège auto ?

La plupart du temps oui.

 

siege auto    poussette

 

Cependant, si le traitement est débuté tardivement, la taille de l’enfant peut rendre difficile son installation dans les sièges auto avec les attelles ou le plâtre….

Cela pose-t-il des problèmes de réaliser des radiographies fréquentes à un jeune enfant?

Oui mais….

La surveillance et le dépistage de la pathologie luxante sont primordiaux. Les risques encourus par l’exposition aux radiations ionisantes est nettement inférieur au bénéfice attendu d’un dépistage et d’un traitement adéquat d’une pathologie luxante.