Hypospadias
L'hypospadias est une malformation de la verge, avec essentiellement un orifice mictionnel qui n'est pas à sa place.
Cette anomalie associe à divers degrés 3 anomalies :
- La position du méat urinairetrou situé au bout du gland chez le garçon, et à la partie antérieure de la vulve chez la fille par où sortent les urines n'est pas en place
- La verge est coudée
- Le prépuce est incomplet.
Il s'agit d'une malformation extrêmement fréquente, estimée actuellement à 1 pour 300 garçons. Il existe sûrement une composante génétique, car il existe des "familles" à hypospade. Il a été jusqu'alors impossible d'isoler un gêne particulier, ce qui laisse supposer qu'il s'agit de gênes multiples. Par ailleurs, l'augmentation de la fréquence de la malformation depuis quelques années laisse entrevoir des facteurs favorisants environnementaux. Quoiqu'il en soit, la découverte de la malformation se fait en général à la maternité, lors du premier examen fait par le pédiatre. Si c'est possible, il est souhaitable que la consultation avec le chirurgien pédiatre ait lieu avant la sortie de maternité. Dans le cas contraire, une consultation dans le premier mois est indispensable. Celle-ci ne servira pas à proposer un traitement immédiat, mais permettra de présenter aux parents les différentes étapes du traitement, et la voie sur laquelle ils vont s'engager avec leur fils. Celle-ci est étant parfois assez houleuse.
Donc la première anomalie qui saute aux yeux (hors cas particuliers) est la position de l'orifice de l'urètre.
Celui-ci peut être situé n'importe où entre sa place normale
et la racine des bourses.
Les formes antérieures sont les plus fréquentes, totalisant environ 70% des cas. Les formes postérieures quant à elles sont aux alentours de 20%. Leur faible fréquence est une "chance", car leur traitement est particulièrement difficile. Cette malposition du méat s'associe souvent à une étroitesse de celui-ci. Le jet est alors très fin et très fort.


Enfin, la dernière partie de la malformation est un prépuce qui est incomplet. Il n'existe pas de prépuce au niveau ventral (en-dessous). L'appréciation de la taille du prépuce est essentielle, car il va servir lors de la réparation. A ce propos, il est bon de préciser que dans les familles où la circoncision rituelle est pratiquée de façon précoce, il faut impérativement y renoncer temporairement, l'ablation du prépuce résiduel sera réalisée en fin de traitement.
La première consultation avec le chirurgien pédiatre va servir à expliquer tout ce qui précède ainsi que les possibilités particulières qui concernent votre fils. En effet, les paramètres sont tellement nombreux que chaque cas est particulier, et mérite un examen attentif et une explication précise. Parfois il n'est pas possible de préciser totalement la forme et la tactique thérapeutique. Celle-ci sera définie ultérieurement lorsque l'enfant aura un peu grandi.
Sauf révélation particulière lors des échographies antenatales, il n'est pas utile de rechercher des malformations urinaires associées, celles-ci n'étant pas plus fréquentes que chez n'importe quel enfant. Un bilan endocrinien ou génétique ne sera utile que dans les formes les plus importantes.
L'âge de la thérapeutique est situé autour de un an, et jusque là, il n'y a pas lieu de revoir son chirurgien pédiatre.
Les principes de base :
- La technique chirurgicale est essentiellement dépendante de la forme de l'hypospade. Le choix de celle-ci va dépendre d'un certain nombre de critères :
- la position du méat
- l'importance de la coudure de la verge
- les habitudes du chirurgien pédiatre
- La réussite de l'intervention est d'autant plus importante que la forme est mineure, ce qui veut dire, au contraire, que dans les formes les plus postérieures, la fréquence de la réussite de première intention est beaucoup plus aléatoire.
- La réussite de l'intervention est conditionnée à de multiples détails. Ceci veut dire que votre enfant doit être opéré par un chirurgien pédiatre qui seul peut avoir une habitude suffisante de ce type d'intervention.
- Quelque soit l'opérateur (habitué à ces interventions !!) et tout types de malformation confondues, le succès de première intention est aux alentours de 80 à 90 %. On n'a pas le droit de vous dire que le résultat est toujours bon.
- Ceci veut dire que dans les 10 à 20% des cas restant, une ou plusieurs autres interventions seront nécessaires. Lorsqu'on entreprend un traitement chirurgical pour hypospadias, on n'est jamais sûr du nombre d'interventions qui seront nécessaires.
- Enfin, en terme d'hypospadias plus que de toute autre pathologie, "le mieux est l'ennemi du bien". Ceci pour dire que lorsque le résultat est correct, il ne faut pas tenter le diable pour essayer de faire plus beau, ou pour gagner 2 mm. Tout ce que l'on risque c'est de tout perdre !
Les formes très antérieures :
La malformation se résume souvent à un orifice qui est dans le gland, et un prépuce malformé. Le choix peut se résumer en trois possibilités :
- Abstention pure et simple. Le prépuce reste malformé, mais il n'y a pas de conséquence, en dehors de l'esthétique.
- Ablation de ce prépuce malformé, et si besoin l'ouverture de l'orifice vers la fossette naviculaire (fossette de la position normale du méat).
- Réfection du prépuce, associé à un geste sur l'orifice comme dans le cas précédent si nécessaire.
Les formes antérieures et moyennes :
Il devient alors indispensable de remettre l'orifice à sa place (ou tout au moins le plus près de sa place). Le sort du prépuce sera alors fonction de son utilisation éventuelle : soit il est utilisé en partie pour l'intervention et le résidu sera enlevé, soit il n'est pas utile et le choix restera entre l'enlever et le reconstituer. L'époque des intervention prévues d'emblée en plusieurs temps est révolue, et sauf exception. TOUTES LES INTERVENTIONS POUR FORMES ANTERIEURES ET MOYENNES SE FERONT EN UN SEUL TEMPS;
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L'intervention de Mathieu
Son principe est d'utiliser la peau de la verge située en dessous du méat pour la retourner et en la suturant à la peau en avant du méat, former un nouveau tube, amenant le méat à l'extrémité.
La zone de prélèvement sera refermée en utilisant une partie du prépuce existant. C'est une méthode fiable, mais l'aspect final n'est souvent pas très esthétique, avec un gland très aplati.
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L'intervention de Duplay
Pour cette intervention le tuyau sera formé aux dépends de la peau qui est située en avant de la zone du méat urétral. Après libération, il sera refermé avec l'autre berge, permettant d'amener l'orifice le plus apical possible. La peau de la verge de part et d'autre ou le prépuce résiduel permettra de fermer la zone cruentée.
L'aspect final est nettement plus satisfaisant, mais les risques de fuites sont un peu plus importants. De nombreux artifices opératoires permettent de minimiser ce risque
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Le MAGPI
Cette fois-ci, on ne fait pas de lambeau, et on libère l'urètre sur 1 cm environ pour le ramener au bout du gland. et de refermer le gland autour. Il y a peu de risque de fuite, mais une sténosezone rétrécie d'un tuyau (digestif, urinaire ou vasculaire) de l'orifice est fréquent posant des problèmes ultérieurs. Cette méthode n'est valable que pour les hypospades antérieurs.
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et les autres...
De nombreuses autres méthodes ont été décrites, utilisées par certains pour les hypospadias moyens et antérieurs : balanoplastie, spongioplastie, intervention de Leveuf partiel, etc... Chacune d'elle peut avoir ses indications en fonction des considérations locales, mais surtout en fonction des préférences de votre chirurgien pédiatre. La multiplicité des interventions différentes traduit le fait qu'aucune n'est la panacée, et ne se détache réellement en terme de qualité de résultats.
Les formes postérieures :
Elles font appel à d'autres techniques plus complexes, dont les résultats sont de plus en plus aléatoires au fur et à mesure que l'orifice est éloigné du sommet de la verge. Le premier temps de l'intervention, comme nous l'avons déjà évoqué consistera toujours en un redressement de la verge. Puis viendra le temps de réparation proprement dite de l'urètre. Parmi les méthodes qui sont possibles, nous nous cantonnerons à deux grands types :
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L'intervention de Duckett et ses dérivées
Le but de l'intervention est de couper le prépuce dans le sens de l'épaisseur, et d'utiliser les deux parties pour d'une part faire le tuyau de remplacement (face muqueuse) et d'autre part recouvrir la zone de la verge qui aura été ouverte (face cutanée). Chaque morceau du prépuce va rester attaché à ses vaisseaux, assurant ainsi sa vitalité. Le tube urétral pourra être fait soit en recourbant le lambeau muqueux sur une sonde et en confectionnant un cylindre, soit en suturant chacune de ses berges à une zone de peau laissée sur la face antérieure de la verge.
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Les greffes de lambeau libre
Cette fois-ci on utilisera une greffe sans vaisseaux pour faire ce tuyau. Il y a quelques années, on prélevait la greffe dans la vessie, où on isolait une zone de muqueuse vésicale. Aujourd'hui, on prélève volontiers ce greffon dans la bouche, au niveau de la muqueuse de la joue ou des lèvres. Ce greffon est tubulé, et suturé à l'urètre en bas et au gland en haut.
Comme nous l'avons dit plus haut, la réussite de l'intervention augmente avec une pratique plus importante de l'intervention pratiquée. Donc, la meilleure intervention est celle que votre chirurgien pédiatre a l'habitude de faire. Ce choix doit bien-entendu être corrélé au type de la malformation. Il n'est pas question de faire la même chose pour un hypospadias antérieur et postérieur. Le chirurgien pédiatre doit donc avoir à sa disposition une batterie d'intervention auxquelles il est rôdé pour pouvoir faire face à tous les cas de figure.
Par ailleurs, votre chirurgien pédiatre vous indiquera le type de l'intervention qu'il envisage de faire a priori, mais les conditions locales pourront l'amener à changer de tactique pour faire ce qui est en fait le plus adapté à l'enfant. Ce changement de tactique peut être dû soit à un problème per-opératoire (plaie de l'urètre, déchirure du lambeau), soit à une mauvaise appréciation de l'étendue de la malformation. L'urètre par exemple peut avoir une portion terminale non exploitable
Bien-sûr, lors de l'examen initial, votre chirurgien pédiatre fera la meilleure appréciation possible de l'état local pour vous présenter l'intervention ou l'alternative qui lui paraît la meilleure pour votre enfant.
Les suites de l'intervention sont dépendantes, encore une fois, du type de l'intervention et des habitudes de votre chirurgien pédiatre. Nous envisagerons donc un certain nombre de possibilités, qui peuvent être diversement associées.
le drainage des urines peut être assuré par divers moyens, à savoir :
- le cathéter sus-pubien (petit tuyau mis directement dans la vessie, au dessus du pubis) qui donnera une vidange quasi parfaite des urines, sans aucun passage au niveau de la réparation. Il sera pratiquement toujours de mise dans les formes postérieures, de moins en moins fréquent à mesure que l'on s'attaque à des formes moins graves.
- la sonde urinaire, avec ou sans ballonnet, qui passe par l'urètre, traverse la réparation et draine correctement la vessie. Des problèmes peuvent survenir lors de l'ablation (surtout en cas de ballonnet), avec un traumatisme de l'urètre nouvellement construit, ou la survenue d'un caillot à l'extrémité de la verge.
- le tuteur cousu (un petit fragment de tuyau, qui ne dépasse que très peu la zone de réparation vers l'amont et sort de quelques millimètres). Il n'est pas fait pour maintenir une vessie vide, mais facilite les mictions, l'urine pouvant passer dedans ou autour. La miction sera déclenché normalement par l'enfant dès le besoin ressenti. Ce tuteur est cousu au gland pendant l'intervention à l'aide d'un fil résorbable. A la résorption du fil, le tuyau tombe tout seul, et est retrouvé dans la couche. Cette méthode a tous les avantages dans les formes antérieures ou moyennes, ne nécessitant pas de poche pour recueillir les urines, maintenant l'urètre ouvert, ne gênant pas le port des couches, et étant tout à fait indolore lors de sa chute.
les soins locaux :
Là encore, les choix du chirurgien pédiatre seront respectés. Tout est possible depuis l'absence totale de pansement jusqu'à la confection de pansements enserrants voire compressifs. La présence de pansement va nécessiter son ablation qui devra parfois être faite souvent sous anesthésie ou sous prémédication (un petit shoot !), souvent au bloc opératoire. Il pourra être renouvelé, ou ne pas être remplacé. On pourra profiter de la réfection ou de l'ablation de ce pansement pour également enlever la sonde., si le moment est venu. En l'absence de pansement, un seul soin est nécessaire : laisser la verge propre et sèche.
la durée d'hospitalisation est essentiellement fonction du type d'intervention et des éléments drainants laissés.
- Si il n'y a pas de pansement et un simple tuteur, la sortie est possible dès le lendemain de l'intervention. La possibilité de gérer ces enfants en hôpital de jour est envisageable, mais une nuit sur place post-opératoire paraît, aujourd'hui, la meilleure solution.
- En cas de sonde urinaire, ou de cathéter sus pubien, de pansement à refaire, il est bien évident que la sortie ne pourra pas avoir lieu avant ce pansement, et le plus souvent avant l'ablation des sondes.
Comme nous l'avons déjà dit, la chirurgie de l'hypospadias est difficile et les résultats ne sont jamais assurés, en tout cas dès la première intervention. Il faut donc savoir, que lorsque son fils est porteur de cette malformation, on s'engage dans un chemin chirurgical qui peut parfois être long. Bien-sûr, ces risques d'échec diminuent lorsque la forme est moins sévère. L'expérience du chirurgien pédiatre est également importante. Mais, globalement, et sauf exception, le résultat final est toujours convenable. L'emploi du terme "convenable", et non de "parfait" ou "excellent" est évidemment voulu. En terme d'hypospadias, lorsque le résultat est correct (méat dans le gland, verge droite et mictions satisfaisantes), il est dangereux de vouloir obtenir mieux, voire la perfection. C'est toujours dans ces cas que se produisent les plus grandes catastrophes locales, avec retour au point de départ (mais sans plus aucun tissu pour réparer, apparition de sténoseszones rétrécies d'un tuyau (digestif, urinaire ou vasculaire), etc...)
Les deux complications post-opératoires les plus fréquentes sont la sténosezone rétrécie d'un tuyau (digestif, urinaire ou vasculaire) et la fuite. Elles sont parfois associées, la sténosezone rétrécie d'un tuyau (digestif, urinaire ou vasculaire) quant elle est précoce entraînant souvent une hyperpression et une rupture partielle ou totale de la réparation. Ces deux complications sont bien entendu réparables. Elles nécessitent donc un nouvel acte chirurgical qui pourra améliorer ou guérir le problème. Le facteur de réussite de cette nouvelle intervention n'est bien entendu pas de 100%, et une nouvelle fuite est possible. Cette nouvelle intervention ne pourra se faire qu'au minimum 6 mois après la première, pour laisser aux tissus le temps d'avoir cicatrisé et de s'être bien revascularisés.
Ceci étant dit, dans les 80% de formes antérieures et moyennes, la réussite est également située aux alentours de 80-90% de première intention. Ce taux de 80-90% est également celui de la réussite de la première réintervention. Il reste donc dans ces formes moins de 5% des enfants qui nécessitent plus de 2 ou 3 interventions. Dans les formes plus postérieures, le taux d'échec est plus important, nécessitant plus de reprises chirurgicales.
En conclusion,
plus le méat est loin, plus la réparation est difficile.
plus le méat est loin, plus le risque de réintervention est important.
plus le méat est loin, plus le nombre de réintervention risque d'être important.
mais dans la plupart des cas le résultat est convenable dès la première intervention, et il faut se contenter de cette approximation.