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Les honoraires

Écrit par RP, chirurgien pédiatre.

La déferlante actuelle des articles journalistiques et des attaques gouvernementales contre les "dépassements d'honoraires", mérite qu'on s'y arrête quelques instants et qu'on fasse la part des choses. Comme dans toutes les professions, il y a des gens malhonnêtes, mais ils ne forment qu'une infime minorité.

Il faut faire la différence entre les "dessous de table en liquide" qui sont répréhensibles et condamnables, et les honoraires complémentaires "normaux" demandés LEGALEMENT par la quasi-totalité des chirurgiens et la majorité des anesthésistes 


La majorité des chirurgiens et anesthésistes travaillant dans le secteur privé exercent en secteur II à honoraires libres et peuvent donc vous demander des honoraires non pris en charge par la sécurité sociale, mais éventuellement par votre mutuelle pour pouvoir continuer à assurer la prise en charge de vos enfants en toute indépendance et avec la meilleure disponibilité possible. Ces compléments d'honoraires sont calculés avec tact et mesure, permettant ainsi de faire face à toutes les charges nécessaires à la pratique de la chirurgie.

Les "dépassements exhorbitants" stigmatisés par notre ministre actuelle et par la presse dans sa grande majorité, d'une part ne sont pas si élevés que cela dans la majorité des cas, et d'autre part ont une explication très simple. Il faudrait d'ailleurs les qualifier de compléments d'honoraires, plutôt que de dépassement, terme impropre et péjoratif.

La revalorisation des actes chirurgicaux et anesthésiques a été en moyenne de 0,28% par an lors des 30 dernières années. Sur la même période, l'inflation a été, toujours en moyenne, de 3,55% par an.  Les charges des praticiens ont augménté pendant ces 30 ans d'au moins le montant de l'inflation, et beaucoup plus pour certaines d'entre elles. Par exemple, les charges de personnel ont augmenté de plus de 5% par an et la palme est détenue par les assurances professionnelles qui ont subi une augmentation moyenne de 83% par an, soit 2500% sur la période.

L'exercice de la chirurgie, dans les meilleures conditions de sécurité, nécessite du personnel compétent et bien formé, donc cher, et une assurance responsabilité civile dont le montant varie de 15 000 € à 30 000 € selon les spécialités, en dehors de toute survenue de sinistre.

Il est donc bien évident que l'absence de corrélation entre le coût réel de l'acte chirurgical et ce que la sécurité sociale peut rembourser entraîne la nécessité pour les praticiens, surtout dans les gandes villes, de demander des compléments d'honoraires.

Enfin, il faut noter que l'opacité de gestion des mutuelles qui augmentent leurs tarifs tous les ans de 3 à 6% complique encore les données.

Il faut savoir que le chiffre d'affaires des mutuelles est passé de 17 à 40 milliards d'euros de 2001 à 2011. Le montant total des dépassements de tous les praticiens du secteur II est en 2011 de 2.4 milliard d'euros dont seulement 800 millions sont remboursés ! Où va l'argent ? De nombreuses mutuelles ne remboursent RIEN en matière de dépassements, alors que leurs tarifs sont élevés. Vérifiez vos contrat et comparez. Le bénéfice ne doit pas être si mauvais, à en juger par la publicité permanente qu'elles nous font subir sur tous les supports audiovisuels. 

Un exemple précis permettra, mieux que de long discours, de préciser les choses.


Une opération de l'appendicite est payée par la sécurité sociale 195,13 €.

  • Ce montant implique l'intervention en elle-même, les visites post-opératoires pendant l'hospitalisation et le suivi pendant les 15 jours qui suivent l'intervention.
  • Il doit également permettre de payer les frais dus à la clinique, le salaire de l'aide opératoire qui est indispensable pour mener à bien cette intervention et celui éventuel de la secrétaire qui va s'occuper de l'organisation de la consultation initiale et des formalités de sortie.
  • Il couvre aussi l'obligation légale d'une assurance en responsabilité civile. 
  • Il sert à payer les divers frais généraux nécessaires à l'activité (loyer, papeterie, informatique...)
  • Il sert à payer le matériel, le fonctionnement et la maintenance, maintenant obligatoire, pour faire une télétransmission des feuilles de soins électroniques avec votre carte vitale.
  • Il sert à payer la formation continue (qui n'est prise en charge par personne), c'est à dire les revues, les congrès, et parfois la nécessité de se déplacer en province ou à l'étranger pour apprendre une technique nouvelle.
  • Enfin il reste à payer les charges sociales du praticien.
  • Tout ceci pour une durée opératoire et péri-opératoire comprise entre 1 et 2 heures.

Ce qui se traduit après tout cela à un revenu net de l'ordre 60 € avant impôts. Ceci est à mettre en rapport avec les 15 à 20 ans d'étude nécessaires pour former un chirurgien pédiatre compétent, et les salaires des cadres supérieurs ayant le même niveau de formation et de responsabilité. La multiplication des actes n'est quant à elle pas possible : on ne peut et on ne doit opérer que ce qui est strictement nécessaire pour le bien de l'enfant.

Pour cela, l'exercice dans les tarifs encadrés par la sécurité sociale (secteur I sans honoraires libres) se fait à perte (ce qui est illégal !!), tout au moins en région parisienne sauf à augmenter le nombre d'intervention dans des proportions nuisibles à la santé des enfants.

 Le désengagement de la sécurité sociale dans le remboursement de l'activité chirurgicale est patent !


Donc, après cet exemple, on peut facilement comprendre

  • que la chirurgie pédiatrique pour être correctement effectuée doit l'être sans pression (ni financière ni d'aucune autre sorte),  
  • que seul le bien-être et la santé de l'enfant compte.
  • que toute pratique non légale est condamnable et doit être dénoncée
  • que la demande normale d'honoraire, en fonction des difficultés, de la compétence et des disponibilités exigées est logique, à condition
    1. qu'elle soit faite avec le tact et la mesure nécessaires.
    2. qu'elle soit faite dans les normes, avec déclaration à la sécurité sociale et aux impôts.
    3. que vous soyez prévenus avant l'intervention.
    4. que nous vous remettions une facture acquittée du montant de ce complément d'honoraire que vous avez réglé.
    5. que nous soyons capables d'y renoncer si vous ne pouvez pas l'honorer et si l'intérêt essentiel de l'enfant est en jeu.
  • que toute discussion de ce devis doit se faire AVANT l'intervention avec votre chirurgien pédiatre.

Une vidéo (youtube) longue, mais assez précise pourra vous expliquer en détail les phénomènes précis.

 

http://www.youtube.com/watch?v=NFKTHQxBuFg